De l’identité de genre à la transidentité

La notion de genre suscite depuis plusieurs années débats et controverses aussi bien dans le champ anthropologique philosophique, médicale, psychologique, psychanalytique, culturel, artistique, politique….

Le genre a été défini comme l’expression dans une culture donnée des représentations du masculin et du féminin. Il se différencie du sexe qui repose sur un constat biologique.

Tout au long de sa vie, l’être humain se construit une représentation de lui-même support de son vécu identitaire. Ainsi, très tôt, l’enfant, dans son développement, passe par une série de questionnements sur les différences garçons-filles. Les réponses à ses interrogations sont fortement influencées par les regards parentaux, familiaux, sociétaux sur l’expression des différences masculin/féminin.

Dans la société occidentale contemporaine, il existe une remise en question des stéréotypes de genre, qui s’inscrivent dans un discours de domination des femmes au service des hommes ;

Depuis l’étude du développement psychologique de l’enfant et de l’adolescent, des modèles de compréhension ont été proposés pour rendre compte de la construction identitaire en distinguant l’identité sexuée de l’orientation sexuelle. Dans la grande majorité des cas, les enfants se forgent une image d’eux-mêmes en accord avec leur sexe dit d’assignation. A l’adolescence, ces questionnements sont réactivés sous le poids du processus pubertaire et de la confrontation avec la sexualité génitale.

Dans certaines situations assez rares des bébés présentent des variations du développement génital. Comment l’enfant peut alors se construire sur le plan identitaire. Les professionnels de la santé ont le plus souvent considérés, qu’il était indispensable que le bébé et les parents puissent investir une identité sexuée et qu’il fallait sortir au plus vite de cette indifférenciation. Mais qui a la légitimité de prendre la décision du choix du sexe, les équipes médicales, les parents ? Aujourd’hui, ces certitudes sont réinterrogées. L’enfant ne pourrait-il pas choisir lui-même son sexe quand il aura la possibilité de le penser ?

L’identité de genre a d’abord été définie aux États-Unis par les travaux de John Money et Rober Stoller. Selon l’approche psychiatrique, quand il n’existait pas une congruence entre le sexe assigné à la naissance et le genre ressenti et vécu, il s’agissait d’un trouble psychiatrique désigné sous le terme de transexualisme. Depuis le DSM 5, ce terme a disparu au profit de dysphorie de genre. C’est une modification de paradigme très importante puisqu’il ne s’agit plus de prendre en charge un trouble de l’identité mais de s’occuper de la souffrance produite par cette non congruence. Pour autant, cela ne satisfait pas les personnes concernées qui souhaitent que leur vécu identitaire ne soit pas psychiatrisé voire médicalisé. Sous l’influence des travaux de Judith Butler, la notion de transidentité s’est aujourd’hui affirmée et ouvre la possibilité d’une approche non binaire du genre.

Depuis 15 ans des équipes de pédopsychiatries et d’endocrinologues pédiatriques française ont relevé le défi de mettre en place des dispositifs d’accompagnement des mineurs trans en s’appuyant sur des recommandations internationales. La consultation de pédopsychiatrie est un des outils possibles dans l’accompagnement des enfants et adolescents. En effet, elle peut offrir un espace d’écoute pour l’enfant, l’adolescent et sa famille. Elle est le plus souvent sollicitée en raison d’un questionnement de l’enfant ou de l’adolescent sur ce qu’il ressent, des inquiétudes parentales, d’une souffrance du jeune dans la socialisation en particulier en milieu scolaire voire lors d’apparition de symptômes anxieux réactionnels ou dépressifs.

Dans un premier temps le pédopsychiatre prend en compte les préoccupations du jeune dans tous les secteurs de sa vie. Le pédopsychiatre s’engage à respecter la construction identitaire du patient et à présenter les différentes possibilité d’aides possibles au cours de son développement: transition sociale, blocage pubertaire, traitement de féminisation ou de virilisation, modification de l’état civil. La prise en charge a pour objectifs d’accompagner l’enfant ou l’adolescent dans son développement psychologique, faciliter l’intégration sociale et scolaire, réduire la souffrance, prévenir des risques et de l’accompagner dans tous les étapes du projet.

Le jeune a besoin de sentir le soutien de l’équipe pluridisciplinaire qui renonce à la question du « pourquoi tu t’es construit ainsi ? » au profit du « comment t’aider ? ». Les parents ont de multiples questions sur le devenir de leur enfant et les risques de marginalisation. Ils ont une place importante dans le dispositif afin de permettre à l’enfant ou l’adolescent de bénéficier de l’étayage familial.

Dans toutes les études internationales, en ce qui concerne le suivi des cohortes de mineurs trans, il existe une prévalence importante de troubles du neurodéveloppement par rapport à la population générale, ce qui soulève un certain nombre de questions sans réelle réponse actuellement.

Cette réflexion à mener sur la notion du genre nous obligent à réviser nos positions, nos certitudes ou nos croyances et à envisager cette notion de genre sous d’autres angles, permettant ainsi d’aborder ces sujets dans une dynamique positive et constructrice. Les modalités de parcours dans la construction de la sexuation de chacun sont à respecter en acceptant de ne pas se limiter à une vision normative tout en accompagnant le patient au plus près de sa vérité de sujet.

Un nouveau champ de la clinique s’ouvre alors, nous imposant de repenser l’humain et les notions complexes d’être homme, d’être femme.