Emma B. Vedova Giocasta
Description
Une lettre annonce à Madame Emma le retour de son fils Millo après quinze ans de séparation. Dans le monologue qui précède son arrivée, Emma B. retrace le chemin de sa conscience de mère sur le fil de la mémoire : du souvenir du stratagème avec lequel elle a sauvé son fils en janvier 1944 lors d'une perquisition policière, au souvenir du moment de vérité qui a accompagné l'entrée de Millo dans l'âge adulte, lorsque, le voyant dans les vêtements réajustés de son père, elle l'a enfin reconnu comme l'homme véritable. Emma B., pendant des années après l'abandon de son fils, avait aligné ses vêtements, conservés dans une armoire, en les suspendant à une corde, selon une pratique qui était devenue quotidienne. Ces vêtements, capables de raconter tout le parcours existentiel de son fils, avaient fini par acquérir un potentiel d'évocation médiumnique. Millo, absent, est dans les mots de sa mère la victime d'un destin auquel il a tenté en vain d'échapper, mais aussi Emma B. révèle dans le final un moment d'hésitation face à l'acte extrême de son insoumission au principe d'autorité incarné par son mari. C'est pour se rebeller contre ce principe qu'elle s'est engagée sur le terrain de la transgression. En supprimant toute trace mnésique de l'existence de son mari et en exerçant le pouvoir lié à son nouveau statut de mère, Emma B. avait entamé un travail de rédemption de sa propre situation de femme. Le véritable héroïsme de la maternité d'Emma B. est d'avoir accepté le préjugé indispensable de la maternité : la soumission à un étranger. Son égoïsme est d'avoir réalisé un projet qui envisageait dans l'enfant mâle sa propre revanche de femme, conditionnée par la recherche d'un complément. Un complément qui, une fois créé, doit être éduqué dans la dépendance, dans la conviction longtemps entretenue qu'ailleurs la recherche du bonheur est vaine. L'armoire à vêtements raconte les étapes de cette servitude, les similitudes physionomiques des femmes rencontrées par son fils avec les traits de son propre visage constituent pour Emma B. autant de confirmations de la réussite de son dessein. Après la vaine épreuve sentimentale de sa vie, Millo est maintenant prêt à revenir vers elle, à admettre sa propre défaite par son retour. L'avertissement obscur, la négation de tout bonheur extérieur, la promesse tranquillisante d'un microcosme sous tutelle, sont autant d'armes auxquelles cette mère a recours pour retenir son fils, et là où l'autorité n'a plus cours, intervient la flatterie, fascinante transformation finale, qui la voit prête à attirer son compagnon par la séduction des sens.