Le travail à l'épreuve des transitionS

Qu’elles soient d’ordre technologique, organisationnelle, professionnelle, environnementale, démographique ou économique, les transitions – en tant que « processus de transformation au cours duquel un système passe d’un régime d’équilibre à un autre[1] » - bousculent le travail et ses conditions d’exercice. Elles impliquent des reconfigurations fondamentales à l’échelle des organisations, des entreprises, de la société voire de la manière d’habiter le monde dans sa globalité.

Les transitions technologiques renvoient à l’introduction massive de systèmes automatiques, numériques ou de robots dans le monde du travail (que ce soit l’industrie, mais aussi l’agriculture ou les services), comme aux tentatives d’introduction encore balbutiantes de systèmes technologiques plus ou moins « autonomes », « collaboratifs », « organiques » ou « intelligents ». Ces technologies ont fait l’objet de nombreux développements. Elles sont porteuses de promesses et de craintes, souvent spéculatives, et leur introduction en situation de travail fait l’objet de travaux de recherche ou de prospective qui s’intéressent aux transformations plus ou moins profondes des activités humaines associées. Les transitions organisationnelles découlent pour partie de ces transitions technologiques et se caractérisent aujourd’hui par une accélération marquée des changements d’organisation du travail. Ces transitions se font sous l’impulsion d’une stratégie généralisée d’amélioration continue d’une forme de performance des organisations, du rôle accru de la financiarisation dans les prises de décision stratégiques et des mutations du rapport au travail. Elles sont fortement intriquées avec les autres formes de transition, ce qui témoigne du caractère systémique et éminemment complexe des liens qui les relient dans leur ensemble. Les transitions professionnelles résultent elles aussi de cette intrication, rendant les parcours de travail et de formation davantage hachés, voire erratiques pour nombre d’actifs. Elles les bousculent en retour, lorsque les choix individuels porteurs de valeurs affirmées (e.g. engagements écologiques et/ou sociaux) font « sens commun », deviennent suffisamment partagées pour questionner les pratiques jusque-là bien ancrées dans le monde du travail. Enfin, les transitions environnementales et démographiques relèvent toutes les deux de mouvements profonds et anciens dans les pays industrialisés. Identifiés dès les années 70 en termes notamment d’épuisement des ressources premières de la terre (e.g. forêts primaires, minerais, etc.), de réchauffement climatique (e.g. fonte des glaciers des pôles) ou de vieillissement démographique (e.g. baisse de la natalité et allongement de l’espérance de vie), ces mouvements se combinent aujourd’hui avec des effets rebonds de déplacement des populations au grès des difficultés politiques, économiques et des catastrophes climatiques accrues. En contre point, ils donnent lieu à des expérimentations sociales, économiques, industrielles, ou agricoles innovantes visant à prendre soin de la Terre et des vivants qui la peuplent.

L’objectif de cette septième édition de la Fabrique de l’Ergonomie est d’explorer, de manière pluridisciplinaire, les enjeux et ressorts de ces transitions, leurs articulations ou antagonismes, pour en construire une meilleure compréhension et penser de nouvelles modalités d’action. Ces deux journées permettront de :

-        Caractériser ces transitions dans leurs différentes dimensions et leurs articulations multiples ;

-        S’interroger sur les nouveaux équilibres, ou déséquilibres, qui se font jour ;

-        Repérer en quoi ces processus de transition font obstacle à l’activité en situation de travail ou au contraire sont des occasions de développement d’une activité recomposée ;

-        Questionner les modèles et méthodes en sciences humaines et sociales, et plus particulièrement en ergonomie, au regard des nouveaux enjeux qui émergent dans le champ du travail durant ces épisodes de transition ;

-        Interroger dans quelle mesure la démarche d’intervention et de conduite de projet portée par l’ergonomie de l’activité est pertinente pour comprendre et agir sur ces transitions ou au contraire mériterait d’être revisitée.