Exposition Lucile Boiron "Avant de baisser les yeux"
Description
Avant de lever les yeux, il faudra défaire son éducation visuelle. L’habitude de corps nus féminins séduisants, las, offerts. Car longtemps, encore souvent, le photographe œuvre entier à la représentation d’un corps féminin synonyme de désir. Une représentation qui colle à l’usage des adjectifs pulpeux, lisse, sensuel. Dans son rapport au corps, la photographe Lucile Boiron embrasse une autre théorie, celle du “female gaze”. Ce “regard féminin” qui propose d’élargir le vocabulaire de l’imagerie associée aux corps des femmes afin de s’extraire des stéréotypes imposés par l’héritage de l’œil masculin.
Avant de baisser les yeux, troublé.e.s par des émotions contraires de gêne et d’attirance, il faudra appréhender l’exercice parfois difficile de maintenir le regard sur une tâche de sang, une table d’opération, un boyau. Des états corporels occultés, figés dans des chairs de désirs par des postures ou des situations de déplaisir. Enveloppes inertes et substances vivantes. Corps tantôt laiteux, tantôt sanguins. Les chairs sans visages de Lucile Boiron sont toutes à la fois divines et ingrates. Décomposées en autant de parcelles de corps que d’objets de fascinations, associées dans les images à des métaphores florales ou animales.
Avant de baisser les yeux, il faudra se mettre dans leur peau. Vivre avec les ondulations de la chair, les expériences biologiques, les empreintes des années. Dépasser les couleurs lumineuses, saturées, satinées qui séduisent le premier regard, trahissant le second qui découvre la réalité crue de corps impudiques.
Certains corps voudraient s’adapter à une anatomie standardisée, se mouler dans une belle plastique par un processus de dissection. Certaines, comme l’écrivaine Annie Ernaux, diront qu’elles souhaitaient “échapper à un corps humiliant et sans importance”. Certains, comme le philosophe Michel Foucault, diront qu’elles souhaitaient construire des utopies de corps dans d’autres corps, qui puissent s’animer et se vivre dans de nouveaux espaces nommés des “hétérotopies”. Avec une grande fragilité, Lucile Boiron expose ces corps précieux sous pression.
Texte d'exposition par Anne Bourrassé
Avec la scénographie de Clara Vidal
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Exposition 4 — 20 mars 2022