26ème Conversation du TyA - Passions du produit
Description
Passions du produit
Nous nous sommes attachés, lors des dernières Conversations cliniques du TyA, à étudier les fonctions de la drogue chez les sujets addicts selon différentes voies d’entrée : à quoi les usages de la drogue répondent-ils pour chacun ; qu’est-ce que traite le produit ; comment l’intervenant peut-il s’insérer dans le cycle infernal de la répétition pour en subvertir le destin ?
Un autre versant de la consommation de drogues mérite notre intérêt : la jouissance qu’introduit dans le corps la consommation d’un produit psychotrope. Il y a là l’expérience d’une jouissance nouvelle, inconnue du sujet, qui modifie son rapport à son propre corps.
« Si le signifiant cisaille le corps à sa façon, le savoir contenu dans le médicament le cisaille autrement. Il fait connaître au sujet une jouissance inconnue de lui-même ; absolument inconnue. »1 Ce qu’Éric Laurent avance à propos du médicament vaut tout autant pour la drogue et tout produit psychotrope : de cette expérience nouvelle qui modèle différemment son rapport à son propre corps, que fait le sujet ?
Il arrive que certains en témoignent, notamment dans l’usage qu’ils en font via la consommation du produit ; nous rejoignons là les fonctions de la drogue : assoupir l’angoisse, recouvrir le sentiment de vide de l’existence, calmer l’ « énervement » en sont quelques occurrences.
Néanmoins, la dimension de répétition incluse dans l’addiction touche un autre registre, qui tient à la répétition elle-même : quelle jouissance est en jeu dans ce qui se répète alors que sa face de nouveauté, incluse dans la première expérience, se dégrade souvent et renvoie le sujet à sa solitude ?
De cette répétition, ne pouvons-nous dire qu’elle rencontre « une sorte d’automaton naturel de la répétition dans l’organisme »2 , celui que réveille la drogue, par l’assuétude et le besoin du nouveau qu’elle installe ? Elle consonne « avec ce parasite de l’organisme qu’est l’inconscient. »
Certains usagers témoignent d’une forme de passion pour le produit, celui qu’ils se sont choisi, ou qui , dans une rencontre inédite, s’est constitué comme leur partenaire. Au-delà parfois des limites qu’imposerait la conservation de la santé, ils y trouvent une satisfaction qui ne s’épuise pas. « Ce qui empêche de se tuer quand on est fou de l’ivresse alcoolique, c’est l’idée qu’une fois mort on ne boira plus »3 nous dit Marguerite Duras ; « Rien ne console de ne plus boire »4 ajoute-t-elle.
L’issue mortelle cependant, n’est pas toujours tenue fort éloignée.
Que peuvent nous apprendre les consommateurs engagés dans cette expérience?
1. E Laurent « Comment avaler la pilule ? » Ornicar 50 p 71
2. E Laurent, op cit
3. M Duras, La vie matérielle, P.O.L., Paris, 1987, p. 20
4. M Duras, ibid p. 23
Localisation
Maison des Associations internationales, Rue Washington 40, 1050, Bruxelles Belgique