Spectacle / Schiavo d'amore

Au cœur du récit, une relation tumultueuse entre deux personnages en devenir : une aide-soignante d’origine migrante et son riche assisté. Leur lien naît au sein du système économique occidental pour se transformer en une relation sauvage et déstabilisante, jusqu’à une renaissance qui abolit les savoirs antérieurs, les pouvoirs et les privilèges.
Au cœur du récit, une grande carte du monde en train de disparaître, remplacée par un cercle orienté avec une flèche. Nous sommes tous au centre ; derrière nous, ce dont nous dépendons et qui nous permet de subsister ; à côté de nous, ce qui nous menace.

Esclave et maîtresse dans une lecture écoféministe

Les personnages de cette histoire, Leopoldo et Betty, habitent ensemble une zone frontière : celle de la relation économique et du désir. Leopoldo, un homme blanc originaire du Nord global, bénéficiant de tous les privilèges liés à sa naissance, cherche le bonheur dans la douleur et l’humiliation : c’est un masochiste. Betty, femme au passé migratoire, ayant souffert de pauvreté et de discrimination, travaille comme aide-soignante et s’occupe du père invalide de Leopoldo.
Après les funérailles de son père, Leopoldo décide de garder l’aide-soignante auprès de lui, lui proposant un contrat de travail particulier en tant que « maîtresse », s’engageant de son côté à aller s’occuper personnellement de la vieille mère de Betty, vivant dans le Sud du monde.
Cette nouvelle relation inversée, à mi-chemin entre accord économique et amour désespéré, engendre en chaîne de nouveaux liens qui bouleversent l’ordre illusoire du monde « civilisé ». Le couple formé par la maîtresse et l’esclave entreprend un long voyage où la véritable prouesse consiste à habiter différemment, mais au même endroit : cette planète en mutation.

Deux histoires, deux lieux éloignés, un jeu de parentés

Depuis son enfance, Leopoldo préfère les punitions aux jeux. Il s’enferme chez lui en s’imposant le port d’appareils orthopédiques qui mortifient son corps, lui procurant le seul plaisir qu’il connaisse : celui de la souffrance. À la mort de son père, il se retrouve seul au monde et désorienté. L’absence de sa seule figure de référence le pousse à chercher du réconfort auprès de l’aide-soignante du défunt, Betty. Leur relation devient de plus en plus intime jusqu’à prendre la forme d’un lien maître/esclave.
Leopoldo prend plaisir à concevoir et subir les humiliations les plus féroces de la part de cette femme qui, autrefois, s’occupait de son père. Un contrat rédigé de sa propre main établit les conditions de cette relation : nombre d’heures quotidiennes, intensité des outrages à subir, description détaillée des atmosphères et modalités dans lesquelles il souhaite être maltraité.
Après avoir surmonté ses premières réticences morales, davantage intéressée par la stabilité financière que par la morale, Betty devient, sous la direction de son esclave, une maîtresse si expérimentée et désinhibée qu’elle entraîne Leopoldo encore plus loin que ne l’avaient fait ses fantasmes masochistes.
Pour rejoindre la mère malade de Betty, que Leopoldo veut désormais soigner comme elle l’a fait pour son père, ils partiront ensemble pour un voyage exotique vers le Sud du monde, à la recherche d’un état de nature archaïque. Les règles du Nord s’effondrent face à de puissantes idoles oubliées…

Survivre sur une planète abîmée

Schiavo d’amore est un voyage de transformation, exotique et ironique, de deux corps meurtris par les cultures de l’exploitation et de la sexualisation, à l’ère de la crise morale, économique et culturelle de l’Occident. Pour raconter ce qui se passe, il faut recourir à l’hyperbole, à des formes qui s’écartent de la représentation traditionnelle.
La survie sur notre planète, abîmée par les inégalités, les guerres et les conflits culturels apparemment insolubles, ne dépend plus d’une éthique individuelle d’inspiration occidentale, mais de subjectivités imparfaites, non normées ni hiérarchisées, de toutes les espèces qui coopèrent à faire exister la vie sur cette planète.
Apprendre à vivre et à mourir ensemble, en cultivant des liens qui ne relèvent pas de la famille mais de parentés nées de processus d’attention, de persévérance, de désir et de soin entre humains et non-humains, voilà le grand défi du présent.
De nouveaux récits, de nouvelles configurations possibles peuvent engendrer des modèles et des alliances imprévisibles, capables de dépasser les anciennes dichotomies : nature/culture, homme/femme, nous/les autres.
Les vieux récits fondés sur le conflit tragique laissent place à de nouvelles narrations en perpétuelle métamorphose, peuplées de personnages hybrides, d’identités mobiles, de chimères, de rêves, de grands amours impossibles et irrésistibles.

ANIMANERA
SCHIAVO D’AMORE
Un hommage à Sacher Masoch au crépuscule de l’Anthropocène
Texte de Magdalena Barile
Mise en scène Aldo Cassano
AvecNatascia Curci et Milutin Dapcevic
Sound design Antonio Spitaleri
CostumesLucia Lapolla
Scénographie Nani Waltz
Lumières Giuseppe Sordi
Organisation Vanessa Radrizzani
Production ANIMANERA E.T.S.
Lauréat de l'appel à projets NEXT de la Regione Lombardia e Fondazione Cariplo
Spectacle en langue italienne
Interdit aux moins de 18 ans