VARIÉTÉ(S)

L’édition 2023 du Printemps de la typographie se propose d’interroger le design typographique sous l’angle de la variété.

Prenant à ce titre ouvertement le contrepied de ce qu’avançait un illustre moderniste, la typographie est intrinsèquement un théâtre de variété(s). Qu’on observe son histoire canonique ou son actualité contemporaine, la typographie, pour peu qu’on y prenne garde, fait ainsi toujours le moine, comme on n’ose pas le dire, par fausseté. Elle drape d’esprit le moindre écrit, court ou ample, et l’instant d’après, le travestit à loisir, selon l’envie du moment ou la mode du lieu. Ce qu’alors elle en vient à incarner résolument, le plus souvent pour le bien et parfois pour le pire, s’offre cependant toujours aux yeux de tous sans détour. Elle joue de la minimale différence pour habiller de frais ce qui semblait désuet, insufflant une nouvelle vie au fossile. Elle déjoue l’attendu pour virer dans l’inactuel ou le lointain. Elle se joue de l’antique pour instruire à sa façon la révolution. Elle endosse le masque du labeur et conjointement révèle la gratuité de l’attraction, pastiche l’origine pour illuminer le futur en la renouvelant, surjoue l’endotique pour figurer l’exotique et inversement. Elle unifie le divers et spécifie le semblable. Elle contrefait sans feindre, échafaude sans jamais lâcher le fil, singe la main, vise la tête, modèle le domestique, cultive le hiératique, harnache le cuir, flatte la pierre, inocule le papier. Elle plaide le sur-mesure et enquille à la chaîne, dans un bouquet final du rêve en acte qui ne se lasse pas de flirter à la fois avec la romance et le drame, l’excellence et le vice, le leurre et la foi, le plaisir retenu et l’exhibition débridée. Enveloppe lettrée ou décor frivole, c’est avec style chaque fois qu’elle se donne à voir, animant indéfiniment, n’ayons pas peur des mots, un matériel programme de réinscriptibilité potentielle dont le moteur infatigable est, revendiquons le une dernière fois, la variété. Entrons donc sans fard dans le panorama !